7 avril 2016

La Mort est une femme comme les autres - Marie Pavlenko.

« Comme d'habitude, dès la moindre contrariété, les hommes perdaient le sens commun. Les fourmis faisaient pareil quand on donnait un coup de pied dans leur fourmilière. »

Auteur : Marie Pavlenko.
Éditions : Pygmalion.
Genre : Contemporain, Fantastique.
Année de sortie 2015.
Nombre de pages : 193.

Synopsis : « Imaginez un monde où personne ne s'éteint.
Imaginez un service de soins palliatifs où personne ne succombe.
Imaginez un univers où la mort en a ras la faux et fait un burn out.
Emm n'en peut plus. Un matin, elle s'arrête et s'asseoit. Ses bras sont de plomb, elle pèse une tonne, elle ne peut plus se lever. En se laissant aller à son spleen, elle rencontre Suzie, une jeune femme dont la gentillesse va l'émouvoir. Commence alors un périple extraordinaire au cours duquel Emm va découvrir la richesse de la nature humaine. »
Mon avis :
Marie Pavlenko est une auteur que j'avais déjà vue en conférence mais dont la plume m'était inconnue. Ce titre a accroché mon regard et je n'ai pas hésité une seule seconde à le demander aux éditions Pygmalion que je remercie pour cet envoi que l'on pourrait qualifier de… hors du commun !

La Mort s'appelle Emm, et elle fait un burn-out. Oui, ça paraît totalement dingue, mais elle n'a plus envie de tuer, elle est fatiguée, chaque mouvement est une torture, on peut dire que la Mort elle-même est en dépression (drôle d'histoire n'est-ce pas !). Le monde devrait s'en réjouir, mais non : les gens se retrouvent bloqués aux soins palliatifs, ils peuvent se décapiter, sauter d'un immeuble, se noyer, il leur est impossible de mettre fin à leurs jours. On passe de 150000 décès par jour à ZÉRO. Et, pour les humains, c'est catastrophique, les gens deviennent fous, ils élaborent des théories plus folles les unes que les autres et les hôpitaux sont plein à craquer. Emm, elle, découvre la nature humaine, mais plus particulièrement Suzie, un personnage touchant. Suzie réussit à nous émouvoir malgré le peu de pages du livre, et Emm aussi malgré son rôle pas très… rassurant, disons. Mais elles ne sont pas les seules à intervenir dans cette histoire et j'ai vraiment trouvé que chaque personnage avait sa place et a laissé une marque dans mon esprit, ce qui est assez rare. Là, c'était évident, ils nous font tous mourir de rire malgré l'aspect parfois glauque de la situation. Des personnages que j'ai adorés, rien que pour eux ce livre vaut la peine d'être lu car ils sont la clé de cette aventure.

L'histoire est délirante mais pas si invraisemblable que ça. On se dit que la situation est bien trop extraordinaire, sauf qu'elle permet aux personnages et au lecteur de se questionner sur notre rapport à la mort à l'aide d'un récit amusant. Tous ces personnages qui paniquent dès que plus personne ne meurt alors que, comme nous le confie Emm, ils la supplient habituellement de les épargner : nous ne sommes jamais satisfaits, finalement. J'ai trouvé que les événements étaient bien trouvés et se suivaient à la perfection. Certes, certaines scènes étaient à mes yeux trop faciles ou trop rapides mais dans un roman plutôt court cela ne m'a pas spécialement dérangée, ce n'était pas l'objet principal du récit. Je pense vraiment qu'il est bénéfique pour tout le monde de lire ce livre. Tout d'abord parce qu'il vous fera rire, vous touchera et vous mettra de bonne humeur en seulement 193 pages, mais surtout parce que malgré le comique de cette situation, il y a aussi des sujets plus fondamentaux qui vous intéresseront et vous feront vous questionner sur plein de choses essentielles de nos vies auxquelles nous ne pensons pas. Un dénouement surprenant, qui m'a laissée légèrement déçue sur le moment mais finalement en y réfléchissant bien cette fin collait à toute l'histoire et ne pouvait être différente, alors bravo à l'auteur pour la cohérence du récit.

Le style de Marie Pavlenko est plutôt simple et efficace à la lecture, mais surtout sans gêne, elle n'hésite pas à dire ce qui est et à nous présenter des personnages qui font de même, et ça nous rend tout de suite proche d'eux car on se sent moins éloignés par la distance qu'il peut y avoir lorsque que l'on ressent un « tabou » dans l'écriture d'un livre. Non, ici chacun dit ce qu'il pense sans honte et ça rend cette histoire pleine de spontanéité, d'humeur et d'émotions. Un mélange qui rend notre lecture passionnante et nos personnages rayonnants.

Je ne m'attendais pas à ce que ce petit livre contienne une histoire si extraordinaire. J'ai vraiment passé un fabuleux moment, et je pense ne garder que de bons souvenirs de ce roman et de ses personnages aussi dingues qu'attachants. J'ai été marquée par ce périple de la Mort et je vous conseille de tenter l'aventure à votre tour, ce livre vous fera forcément passer une belle lecture, j'en suis persuadée et je le souhaite de tout cœur.

Une fabuleuse lecture.

6 avril 2016

Les Fragiles - Cécile Roumiguière.

« C'est bien la vie, ça : on croit tout prévoir, avoir tout bon, et paf, il y a un truc qui vient tout gâcher. »


Auteur : Cécile Roumiguière.
Éditions : Sarbacane (collection Exprim).
Genre : Jeunesse.
Année de sortie 2016.
Nombre de pages : 200.

Synopsis : « Drew a dix-sept ans. On est grand à dix-sept ans. Pourtant, dans sa tête, Drew est encore cet enfant de neuf ans qui a pris le racisme de son père en plein plexus. Drew déteste son père tout en cherchant à lui plaire. Jusqu'au jour où il rencontre… Sky, une fille aussi fêlée que lui. Et SOLAIRE. Et BELLE ! Une fille qui, comme lui – mais comme son père aussi -, est une Fragile. »


Mon avis :
Les Fragiles, c'est le troisième roman Exprim' de l'année, et je dois avouer que je l'attendais avec une immense impatience. J'avais besoin d'une lecture forte, d'une lecture qui puisse me choquer, me surprendre, m'émouvoir. Tout sauf me décevoir, voilà tout. Alors, lorsqu'il est arrivé, je m'y suis plongée toute entière.

Drew a dix-sept ans, mais il a aussi neuf ans, treize ans… Son père, quelque soit son âge, est raciste. Mais c'est aussi son père. Il s'appelle Cédric, et sa femme, Cindy, tente parfois de défendre Drew. Sky, elle aussi, elle a des âges différents. L'auteur nous emmène dans un récit qui mêle l'année des dix-sept ans de Drew à son passé, à partir de ses 9 ans. Mais on a aussi cette première page qui nous trouble, qui nous intrigue, une première page inattendue, on relit le résumé, on ne comprend pas. Tout est flou, mais on sait que tout finira par s'éclairer. Drew est un personnage si humain, si fragile. Mais il n'est pas le seul. On ne le pense pas en commençant ce roman, mais chaque personnage est fragile, à sa manière. C'est l'un des aspects les plus étonnants de ce roman : penser ne ressentir qu'un seul et unique sentiment envers un personnage, et découvrir que non, il y en a plein d'autres qui sont tout simplement surprenants. Vous allez vous attacher à des personnages alors que vous ne l'auriez même pas imaginé, cette idée vous aurait même fait doucement rire. Mais, croyez-moi, c'était une sacrée expérience que de ne plus se sentir maître de ses émotions.

Ces récits croisés des vies de tous ces personnages ne nous embrouillent absolument pas, chaque page ajoute des éléments afin de construire une histoire, et nous savons que seules les dernières pages nous révéleront ce que nous désirons savoir depuis ce fameux prologue, inoubliable, gravé dans notre esprit. Mais entre tout ça il y a des mots tellement forts, tellement puissants, comme le racisme. Des mots qui nous obsèdent, auxquels on réfléchit. Ce livre nous remet nous-même en question sur ce que l'on ressent. C'est comme si je culpabilisais d'être touchée par un personnage qui aurait dû me répugner. C'était étrange. Et gênant. Même en refermant ce livre, je me posais des questions. Devais-je ressentir ça ? Était-ce normal ? Je l'ignorerai toujours. Tout comme chacun des personnages, qui vit à sa manière, qui évolue malgré les obstacles, qui passe par-dessus les difficultés que lui impose son niveau social, l'influence parentale, l'influence extérieure. Ce livre aborde l'adolescence et tout ce brouhaha d'émotions ressenties à cette période, encore plus lorsque les valeurs enseignées par nos parents perturbent celles que nous apprenons chaque jour en communauté, à l'école, avec d'autres personnes. Tout nous est unique, même l'histoire d'amour est si singulière. Aucune scène n'est à mettre de côté, chacune d'entre elles est primordiale pour que nous comprenions un peu plus les idées de Drew, ou même de Sky. Ou même de Cédric. Les idées des fragiles.

Je ne crois pas que l'auteur veuille nous faire passer un message en particulier, elle nous raconte simplement une histoire, et les messages, elle sait que nous les trouvons nous-même à travers tout ce que nous ressentons au fil des pages. Le style est particulier, particulièrement précis sur les vagues émotionnelles ressenties par Drew, Sky, Cédric, Cindy, Mariji… On se sent si proche de cette histoire qu'on a l'impression d'avoir traversé le papier pour vivre chaque événement, pour accompagner Drew du début à la fin. Si les premières pages réussissent à vous accrocher au récit, alors vous ne pourrez plus vous passer de ce roman. Mais vous aurez aussi ce désir profond de le savourer, de ne pas finir trop vite, pour pouvoir songer à tout ce qu'il contient, y songer plus longtemps.

Les Fragiles est un roman unique. Unique pour son style particulier, son sujet riche et diversifié, ses personnages si humains et si hors du commun. Unique pour les émotions que vous allez ressentir et les questions que vous allez vous poser. Pour moi, ce livre était comme un cadeau bien emballé : j'ignorais à quoi m'attendre et je n'ai cessé d'être surprise du début à la fin. J'ai adoré cette lecture si puissante, si profonde, qui nous rend si fragiles.

Une lecture excellente, surprenante.

2 avril 2016

Paranoïa - Melissa Bellevigne.

« Moi, sans toi, je ne serai qu'une âme en perdition. »

Auteur : Melissa Bellevigne.
Éditions : Hachette, collection Black Moon.
Genre : Jeunesse
Année de sortie 2016.
Nombre de pages : 320.

Synopsis : « Lisa Hernest, psychiatre reconnue et spécialisée dans les cas complexes, est appelée à l’institut Saint-Vincent en périphérie de Paris. Elle va rencontrer sa nouvelle patiente : Judy Desforêt, internée pour paranoïa et hallucinations, enceinte de cinq mois et qui refuse de s’alimenter. Dès leur première entrevue, la jeune femme qui se dresse face à elle fait preuve d’une lucidité et d’un discernement hors pair. Et plus Lisa apprend à la connaître, plus leurs échanges viennent ébranler ses propres convictions professionnelles et personnelles. »

Mon avis :
Melissa Bellevigne est une blogueuse et youtubeuse très suivie et appréciée par les internautes. Personnellement, je ne la connaissais absolument pas, et je l'ai donc découverte avant tout en tant qu'écrivain. Le sujet du roman m'a tout de suite intriguée et c'est pour cette raison que je me suis lancée dans cette lecture mystérieuse et envoûtante.

Lisa est une psychiatre très reconnue, et elle va rencontrer Judy, sa nouvelle patiente, une jeune femme enceinte qui est victime d'hallucinations. Peu à peu elles vont apprendre à se connaître et Judy va se confier. Ce roman ne traite pas des maladies mentales ou de la schizophrénie en priorité, il se concentre davantage sur la personne que Judy est la seule à voir, Alwyn, ce garçon qui est avec elle partout où elle se rend depuis sa plus tendre enfance. On va donc découvrir des échanges entre les deux femmes, mais surtout l'histoire de Judy et Alwyn, cet homme dont la présence et l'invisibilité face aux autres sont des éléments vraiment intrigants de l'histoire. J'ai apprécié le fait que nous suivons la vie de Lisa en parallèle, les problèmes que son métier peut engendrer dans sa vie personnelle et amoureuse, tout en découvrant le passé de Judy ainsi que ses découvertes sur ce que tout le monde voit chez elle comme une maladie mentale. Des personnages que j'ai appréciés, mais qui méritaient peut-être un peu plus d'approfondissement pour que l'on se sente plus touchés par les événements qui surviennent dans l'histoire.

Comme je le disais précédemment, l'histoire s'oriente sur le passé de Judy avant son internement, lorsqu'elle tentait de découvrir qui était ce Alwyn qui vivait avec elle depuis toujours et pourquoi elle était la seule à le voir. Une intrigue intéressante car j'avoue que je ne voulais pas lâcher le livre, et quand je le faisais il me tardait de reprendre ma lecture pour enfin le terminer et savoir le fin mot de toutes ces énigmes. J'ai donc été agréablement surprise par les révélations qui sont faîtes tout au long du récit, mais je tiens à préciser que certaines choses m'ont légèrement dérangée. Par exemple, le fait que l'on se concentre uniquement sur Judy à un moment de l'histoire donne l'impression qu'il y a des longueurs, des moments où l'on aimerait que l'histoire avance plus vite. Mon plus grand reproche n'est pas contre l'auteur mais contre les éditeurs qui mettent une phrase sur la couverture totalement fausse par rapport à l'histoire. Je ne vous dirais pas pourquoi pour ne pas vous spoiler mais ne vous fiez surtout pas à ce « L'une est la seule à le voir, l'autre est la seule à la croire » car j'ai tant été persuadée que cette phrase correspondait au livre que ma lecture m'a surprise à certains moments. Mais ce n'est pas la faute de Melissa Bellevigne qui, à mes yeux, a écrit une histoire qui est son tout premier roman et pour une première fois je trouve que c'est addictif, c'est intrigant, et donc c'est un très bon début.

Pour l'écriture, c'est une plume assez simple que nous découvrons, un style que l'on trouve souvent dans les romans Young Adult mais qui a son empreinte et qui sait nous emmener dans l'histoire, avec les personnages. Ce qui, pour un premier roman, est une très bonne chose et ce qui rend ce roman vraiment passionnant, on a hâte de connaître la fin, les idées sont très bien intégrées à l'histoire et le fil conducteur est bien tissé pour que nous soyons surpris à chaque nouvelle révélation. La fin m'a laissée bouche bée car trop de questions se posent encore à nous, si un deuxième tome sort alors je lirai la suite car cette fin ouverte nous donne envie d'en savoir plus, mais s'il s'agit d'un one shot c'est pour moi une fin frustrante car certains éléments restent flous quand à la suite des événements. Mais bon, j'aime habituellement les fins ouvertes, et celle-ci reste assez bien trouvée tout de même.

Ce livre ne se concentre pas vraiment sur les troubles psychologiques et s'oriente vers une dimension qui nous paraît un peu fantastique, mais cela n'est pas dérangeant au contraire, on se sent un peu perdu, tout comme les personnages, et on a sans cesse l'envie d'en apprendre davantage sur tous les événements qui surviennent. Beaucoup de questions se posent à nous, certaines restent encore à élucider, c'est pourquoi j'appelle Melissa à sortir un second tome, vraiment, il le faut ! S'il pouvait être aussi addictif que le premier tome, alors cela serait parfait.

Une bonne lecture.