De nouveau je vous fais un article (deux dans la même journée c'est miraculeux, en ce moment il n'y en a même pas un dans la semaine !) pour vous faire lire un de mes textes. En fait c'était un texte destiné au concours Gallimard (que je n'ai pas gagné, mais je dis un grand bravo aux vainqueurs !) où le thème était de reprendre un conte, une réécriture. C'était en s'inspirant de la manière de Victor Dixen, comme il l'a fait pour son livre Animale. (http://victordixen.com/journal/) Donc je vous présente le mien, maintenant que le concours est terminé, en attendant vos avis (positifs ou négatifs, bien entendu, le plus important pour moi c'est qu'ils soient surtout constructifs !) en vous remerciant d'avance !
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
La
petite Hannah.
Il était une fois, dans
une petite ville de France, très réputée pour sa tranquillité,
une jeune fille nommée Hannah. Âgée de 16 ans et quelques mois,
c'était une fille calme, sans problème particulier, travailleuse,
sérieuse en cours, ne ramenant que d'excellentes notes à la maison.
Elle avait tout pour elle, tout pour être heureuse. Il ne lui
manquait qu'une chose : de l'affection, de l'amour, de la part
de celui qu'elle aimait.
Mathéo était le garçon
idéal à ses yeux, il avait tout de l'homme parfait à son goût. Il
était brun, plus grand qu'elle, elle fondait d'amour et de désespoir
quand il souriait et elle riait dès qu'il plaisantait. Mais cet
adolescent n'avait pas les mêmes fréquentations que la demoiselle,
il ne s'intéressait pas aux filles comme elle, qui étaient timides,
plutôt renfermées, trop introverties. Alors Hannah pleurait dans
ses draps quand elle rentrait le soir, faisait baigner son oreiller
de ses larmes de tristesse, de douleur, de haine envers toutes celles
qui le touchaient, l'approchaient, l'embrassaient.
Un mercredi après-midi,
elle décida d'aller rendre visite à sa grande tante, toujours prête
à lui donner quelques conseils ou quelques objets qu'elle surnommait
« maléfiques » ou « enchanteurs » pour la
rassurer. Hannah ne croyait pas à cette sorte de magie, mais elle
faisait semblant, pour ne jamais vexer sa tante, maintenant âgée.
Elle entra dans sa demeure
sombre et fraîche, et fit sonner la clochette suspendue au plafond.
Tante Elena vint à sa rencontre et la mena à son salon, une pièce
remplie de dreamcatcher et d'autres grigris en tout genres. La
vieille femme commença à parler rapidement, comme des murmures
destinés à une personne inexistante, et si Hannah n'avait pas été
dans la pièce elle aurait certainement parlé quand même.
- Oui il ne te remarque
pas, oui, il ne me regardait pas non plus. Oui il ne fait pas
attention à toi, parce qu'il ne connaît pas ta beauté, il ne
connaît pas ta gentillesse, il ne connaît rien de toi..
Hannah ne dit rien,
restant indifférente aux commentaires de sa tante qui, au fond, la
touchaient et la blessaient un peu.
- Tiens, prends ça, mais
fais bien attention, une fois que tu te la seras étalée sur le
visage et sur la peau, les gens ne te verront plus de la même
manière, tu perdras toutes les personnes que tu aimais, elles ne te
connaîtront plus. Tu auras une nouvelle vie, et dans cette nouvelle
vie, il n'aura d'yeux que pour toi, ma jolie..
Elena lui tendit un tube
de crème aux reflets bleutés. L'adolescente le prit, perplexe, et
sa tante la poussa hors de la maison avec hâte, comme s'il y avait
un événement à cette heure précise.
Hannah marcha jusqu'à
chez elle, pensive. Elle pensait à ses deux meilleurs amis, Thomas
et Tina. Elle imaginait sa vie sans eux, sans leur amitié, leur
attention, leurs blagues, leurs rires, leurs sourires. Des larmes
coulèrent le long de ses joues, et elle rentra à sa maison en
courant, se ruant dans sa chambre dès son arrivée. Elle ouvrit la
crème, n'y croyant pas tellement, se refusant de penser que tout
cela pouvait être vrai, et elle se l'étala sur le visage et sur le
corps. Elle attendit, se regardant dans un miroir. Ses lèvres
prirent une jolie forme, son nez s'affina, ses yeux devinrent bleus,
ses cheveux brillèrent comme jamais et son visage n'était plus que
beauté et douceur. Elle fut éblouie par sa propre apparence, ravie
de tout son physique dans sa totalité. En descendant les escaliers,
elle ouvrit la porte de la cuisine avec hâte pour montrer à sa mère
le miracle de Tante Elena. Madame Floron poussa un petit cri de
surprise. Hannah, toute heureuse, s'écria :
- C'est fou comme
changement, n'est-ce pas ?
La mère de cette dernière
fit une grimace, et murmura :
- Puis-je savoir ce que
vous faites dans ma maison, mademoiselle ?
Hannah fut prise d'une
pensée horrible. Si tous les gens qu'elle aimait ne la connaissaient
plus, cela incluait donc ses parents, ainsi que son frère ?
Elle sortit de la salle, tremblante, et ouvrit la porte d'entrée en
chuchotant quelques excuses à son ancienne mère, qui à présent
n'était plus rien pour elle. Ou du moins qui le pensait.
La jeune enfant passa la
nuit près d'un étang, allongée dans un coin d'herbe douce,
insensible à la situation, essayant de se vider de ses pensées de
tristesse en pensant au lendemain. Elle s'endormit enfin, et se
réveilla quelques heures plus tard, aussi jolie et parfaite que la
veille. En arrivant au lycée, comme l'avait prédit sa tante, Mathéo
ne vit qu'elle, tout comme le lycée entier. Des rumeurs circulaient
déjà sur « la nouvelle qui avaient des airs d'une jeune fille
du lycée qui avait disparu ». Les gens disaient que c'était
sa sœur, ou sa cousine. Les gens inventaient des ragots, y
croyaient, et ça leur suffisait. Elle, la mystérieuse, la beauté
divine, la déesse de la perfection, elle avait réussi à attirer le
regard de Mathéo sur son visage, sur son corps aux courbes si bien
dessinées. Tout avait fonctionné à merveille. Le jeune homme
s'approcha, frôla ses mains des siennes, qui dégageaient une
chaleur agréable pour Hannah, et l'invita à se joindre à une
soirée qui avait lieu le soir même. Elle accepta, il lui sourit,
elle fondait de bonheur et d'amour dans son cœur, mais tentait de
rester impassible d'extérieur, et ça avait l'air d'être le cas.
Le soir arriva, elle se
rendit à l'adresse indiquée, retrouva son bien-aimé, et il
l'embrassa fougueusement devant la foule. Elle était tout de même
déçue, imaginant son premier baiser dans un endroit tranquille, où
ils auraient été seuls, bercés pas le chant des cigales, par la
lumière les lucioles, éclairés par la lune et les étoiles. Mais
il l'avait embrassé, et c'était tout ce qui comptait, en tout cas
elle s'en persuadait pour éliminer toute déception probable. Lui
aussi avait l'air aux anges. Mais voyait-il en elle ce qu'elle
voulait qu'il voit ? Elle se persuadait aussi sur ce point là.
Elle croisa Tina, qui ne la reconnut bien évidemment pas. Elle
rêvait de lui raconter ce qui lui était arrivé, mais elle la
prendrait pour une folle, c'était certain. Elle fut surtout étonnée
quand cette dernière se rua dans les bras de Thomas, son meilleur
ami, et quand elle déposa un baiser sur ses lèvres. Comme un
poignard invisible et fin se planta dans son cœur à cet instant.
Plus la soirée avançait, et plus Hannah se sentait seule. Elle
n'avait plus d'amis pour raconter son aventure, elle n'avait plus sa
mère pour lui dire qu'elle avait un copain, plus son frère à qui
demander des conseils. Elle n'avait plus rien, à part celui qu'elle
aimait. Mais était-ce suffisant ? Il lui dit des mots doux
jusqu'à pas d'heure, lui confia qu'il l'aimait comme jamais, qu'il
ferait tout pour elle. Comment pouvait-il l'aimer autant en un soir,
alors qu'elle-même l'aimait depuis des années ? Trop de
questions se bousculaient en elle, elle se sentait oppressée dans
ses bras, elle voulait tout quitter, tout arrêter, elle regrettait,
elle se rendait enfin compte de la bêtise qu'elle avait fait. Mathéo
ne vit pas son changement d'état, si bien que quand elle se leva
brusquement et s'en alla, il fut sous le choc, et n'eut pas le
réflexe de la rattraper. Elle courut jusqu'à la maison de sa tante.
Essoufflée, elle entra sans faire tinter la cloche, et sa très
chère Tante Elena l’accueillit avec un couteau à la main.
- Qui êtes-vous pour oser
me déranger durant la préparation d'un de mes breuvages ?
Elle avait le visage
crispé, et Hannah lui répondit en essayant de garder son calme.
- Tante Elena, je.. Je
regrette tout, regardez, c'est moi, Hannah, la petite Hannah, celle
que vous aimiez tant quand elle était petite, je regrette, comme je
regrette ! Vous n'auriez jamais du me donner cette crème, vous
n'auriez pas du, j'ai tout perdu.. Il y a forcément un remède qui
inverse le sort, n'est-ce pas ?
La vieille femme la scruta
longuement, intriguée, sans réaction apparente, puis répondit en
faisant demi-tour pour retourner à sa salle de potions.
- Bon, écoutez, ma petite
Hannah, je ne vois pas qui vous êtes, mais à vous écouter vous
avez l'air d'avoir voulu effacer un défaut de votre personne. Mais
vous avez tout effacé. Et la mémoire des gens, quand on y supprime
tout, la récupération des souvenirs est impossible. Votre sort est
irréversible, mademoiselle. Maintenant je vous prie de vous en
aller, s'il vous plaît. J'ai du travail qui m'attend.
Hannah resta de marbre
face à l'attitude de sa tante, puis elle laissa quelques larmes
s'échapper de ses yeux. Elle sortit sans un mot, marcha longuement
jusqu'à l'étang où elle avait passé la nuit, et s'allongea de
nouveau dans l'herbe, qui lui chatouillait ses pieds déchaussés.
Elle pleura jusqu'à ce que le jour se lève. Elle pensait à Mathéo,
à ce que lui devait penser d'elle à présent. Elle se souvint de
Thomas et Tina, les larmes se multiplièrent quand elle se dit qu'ils
ne seraient pas touchés s'il lui arrivait malheur. Quand le soleil
se leva, ses yeux se fermèrent enfin, gênés par la luminosité, et
elle somnola jusqu'aux jacassements des oiseaux qui passaient par là.
Elle se leva, la tête
vidée de toutes les pensées qu'elle venait d'avoir. Elle se promena
le long de la rivière pour arriver au pont qui permettait de
traverser le lac. Elle l'escalada, fixa l'eau immobile en s'imaginant
les remous qu'elle allait provoquer. Et elle sauta.