18 décembre 2013

La Petite Hannah. (concours Gallimard)

De nouveau je vous fais un article (deux dans la même journée c'est miraculeux, en ce moment il n'y en a même pas un dans la semaine !) pour vous faire lire un de mes textes. En fait c'était un texte destiné au concours Gallimard (que je n'ai pas gagné, mais je dis un grand bravo aux vainqueurs !) où le thème était de reprendre un conte, une réécriture. C'était en s'inspirant de la manière de Victor Dixen, comme il l'a fait pour son livre Animale. (http://victordixen.com/journal/) Donc je vous présente le mien, maintenant que le concours est terminé, en attendant vos avis (positifs ou négatifs, bien entendu, le plus important pour moi c'est qu'ils soient surtout constructifs !) en vous remerciant d'avance !

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La petite Hannah.

Il était une fois, dans une petite ville de France, très réputée pour sa tranquillité, une jeune fille nommée Hannah. Âgée de 16 ans et quelques mois, c'était une fille calme, sans problème particulier, travailleuse, sérieuse en cours, ne ramenant que d'excellentes notes à la maison. Elle avait tout pour elle, tout pour être heureuse. Il ne lui manquait qu'une chose : de l'affection, de l'amour, de la part de celui qu'elle aimait.
Mathéo était le garçon idéal à ses yeux, il avait tout de l'homme parfait à son goût. Il était brun, plus grand qu'elle, elle fondait d'amour et de désespoir quand il souriait et elle riait dès qu'il plaisantait. Mais cet adolescent n'avait pas les mêmes fréquentations que la demoiselle, il ne s'intéressait pas aux filles comme elle, qui étaient timides, plutôt renfermées, trop introverties. Alors Hannah pleurait dans ses draps quand elle rentrait le soir, faisait baigner son oreiller de ses larmes de tristesse, de douleur, de haine envers toutes celles qui le touchaient, l'approchaient, l'embrassaient.
Un mercredi après-midi, elle décida d'aller rendre visite à sa grande tante, toujours prête à lui donner quelques conseils ou quelques objets qu'elle surnommait « maléfiques » ou « enchanteurs » pour la rassurer. Hannah ne croyait pas à cette sorte de magie, mais elle faisait semblant, pour ne jamais vexer sa tante, maintenant âgée.
Elle entra dans sa demeure sombre et fraîche, et fit sonner la clochette suspendue au plafond. Tante Elena vint à sa rencontre et la mena à son salon, une pièce remplie de dreamcatcher et d'autres grigris en tout genres. La vieille femme commença à parler rapidement, comme des murmures destinés à une personne inexistante, et si Hannah n'avait pas été dans la pièce elle aurait certainement parlé quand même.
- Oui il ne te remarque pas, oui, il ne me regardait pas non plus. Oui il ne fait pas attention à toi, parce qu'il ne connaît pas ta beauté, il ne connaît pas ta gentillesse, il ne connaît rien de toi..
Hannah ne dit rien, restant indifférente aux commentaires de sa tante qui, au fond, la touchaient et la blessaient un peu.
- Tiens, prends ça, mais fais bien attention, une fois que tu te la seras étalée sur le visage et sur la peau, les gens ne te verront plus de la même manière, tu perdras toutes les personnes que tu aimais, elles ne te connaîtront plus. Tu auras une nouvelle vie, et dans cette nouvelle vie, il n'aura d'yeux que pour toi, ma jolie..
Elena lui tendit un tube de crème aux reflets bleutés. L'adolescente le prit, perplexe, et sa tante la poussa hors de la maison avec hâte, comme s'il y avait un événement à cette heure précise.
Hannah marcha jusqu'à chez elle, pensive. Elle pensait à ses deux meilleurs amis, Thomas et Tina. Elle imaginait sa vie sans eux, sans leur amitié, leur attention, leurs blagues, leurs rires, leurs sourires. Des larmes coulèrent le long de ses joues, et elle rentra à sa maison en courant, se ruant dans sa chambre dès son arrivée. Elle ouvrit la crème, n'y croyant pas tellement, se refusant de penser que tout cela pouvait être vrai, et elle se l'étala sur le visage et sur le corps. Elle attendit, se regardant dans un miroir. Ses lèvres prirent une jolie forme, son nez s'affina, ses yeux devinrent bleus, ses cheveux brillèrent comme jamais et son visage n'était plus que beauté et douceur. Elle fut éblouie par sa propre apparence, ravie de tout son physique dans sa totalité. En descendant les escaliers, elle ouvrit la porte de la cuisine avec hâte pour montrer à sa mère le miracle de Tante Elena. Madame Floron poussa un petit cri de surprise. Hannah, toute heureuse, s'écria :
- C'est fou comme changement, n'est-ce pas ?
La mère de cette dernière fit une grimace, et murmura :
- Puis-je savoir ce que vous faites dans ma maison, mademoiselle ?
Hannah fut prise d'une pensée horrible. Si tous les gens qu'elle aimait ne la connaissaient plus, cela incluait donc ses parents, ainsi que son frère ? Elle sortit de la salle, tremblante, et ouvrit la porte d'entrée en chuchotant quelques excuses à son ancienne mère, qui à présent n'était plus rien pour elle. Ou du moins qui le pensait.
La jeune enfant passa la nuit près d'un étang, allongée dans un coin d'herbe douce, insensible à la situation, essayant de se vider de ses pensées de tristesse en pensant au lendemain. Elle s'endormit enfin, et se réveilla quelques heures plus tard, aussi jolie et parfaite que la veille. En arrivant au lycée, comme l'avait prédit sa tante, Mathéo ne vit qu'elle, tout comme le lycée entier. Des rumeurs circulaient déjà sur « la nouvelle qui avaient des airs d'une jeune fille du lycée qui avait disparu ». Les gens disaient que c'était sa sœur, ou sa cousine. Les gens inventaient des ragots, y croyaient, et ça leur suffisait. Elle, la mystérieuse, la beauté divine, la déesse de la perfection, elle avait réussi à attirer le regard de Mathéo sur son visage, sur son corps aux courbes si bien dessinées. Tout avait fonctionné à merveille. Le jeune homme s'approcha, frôla ses mains des siennes, qui dégageaient une chaleur agréable pour Hannah, et l'invita à se joindre à une soirée qui avait lieu le soir même. Elle accepta, il lui sourit, elle fondait de bonheur et d'amour dans son cœur, mais tentait de rester impassible d'extérieur, et ça avait l'air d'être le cas.
Le soir arriva, elle se rendit à l'adresse indiquée, retrouva son bien-aimé, et il l'embrassa fougueusement devant la foule. Elle était tout de même déçue, imaginant son premier baiser dans un endroit tranquille, où ils auraient été seuls, bercés pas le chant des cigales, par la lumière les lucioles, éclairés par la lune et les étoiles. Mais il l'avait embrassé, et c'était tout ce qui comptait, en tout cas elle s'en persuadait pour éliminer toute déception probable. Lui aussi avait l'air aux anges. Mais voyait-il en elle ce qu'elle voulait qu'il voit ? Elle se persuadait aussi sur ce point là. Elle croisa Tina, qui ne la reconnut bien évidemment pas. Elle rêvait de lui raconter ce qui lui était arrivé, mais elle la prendrait pour une folle, c'était certain. Elle fut surtout étonnée quand cette dernière se rua dans les bras de Thomas, son meilleur ami, et quand elle déposa un baiser sur ses lèvres. Comme un poignard invisible et fin se planta dans son cœur à cet instant. Plus la soirée avançait, et plus Hannah se sentait seule. Elle n'avait plus d'amis pour raconter son aventure, elle n'avait plus sa mère pour lui dire qu'elle avait un copain, plus son frère à qui demander des conseils. Elle n'avait plus rien, à part celui qu'elle aimait. Mais était-ce suffisant ? Il lui dit des mots doux jusqu'à pas d'heure, lui confia qu'il l'aimait comme jamais, qu'il ferait tout pour elle. Comment pouvait-il l'aimer autant en un soir, alors qu'elle-même l'aimait depuis des années ? Trop de questions se bousculaient en elle, elle se sentait oppressée dans ses bras, elle voulait tout quitter, tout arrêter, elle regrettait, elle se rendait enfin compte de la bêtise qu'elle avait fait. Mathéo ne vit pas son changement d'état, si bien que quand elle se leva brusquement et s'en alla, il fut sous le choc, et n'eut pas le réflexe de la rattraper. Elle courut jusqu'à la maison de sa tante. Essoufflée, elle entra sans faire tinter la cloche, et sa très chère Tante Elena l’accueillit avec un couteau à la main.
- Qui êtes-vous pour oser me déranger durant la préparation d'un de mes breuvages ?
Elle avait le visage crispé, et Hannah lui répondit en essayant de garder son calme.
- Tante Elena, je.. Je regrette tout, regardez, c'est moi, Hannah, la petite Hannah, celle que vous aimiez tant quand elle était petite, je regrette, comme je regrette ! Vous n'auriez jamais du me donner cette crème, vous n'auriez pas du, j'ai tout perdu.. Il y a forcément un remède qui inverse le sort, n'est-ce pas ?
La vieille femme la scruta longuement, intriguée, sans réaction apparente, puis répondit en faisant demi-tour pour retourner à sa salle de potions.
- Bon, écoutez, ma petite Hannah, je ne vois pas qui vous êtes, mais à vous écouter vous avez l'air d'avoir voulu effacer un défaut de votre personne. Mais vous avez tout effacé. Et la mémoire des gens, quand on y supprime tout, la récupération des souvenirs est impossible. Votre sort est irréversible, mademoiselle. Maintenant je vous prie de vous en aller, s'il vous plaît. J'ai du travail qui m'attend.
Hannah resta de marbre face à l'attitude de sa tante, puis elle laissa quelques larmes s'échapper de ses yeux. Elle sortit sans un mot, marcha longuement jusqu'à l'étang où elle avait passé la nuit, et s'allongea de nouveau dans l'herbe, qui lui chatouillait ses pieds déchaussés. Elle pleura jusqu'à ce que le jour se lève. Elle pensait à Mathéo, à ce que lui devait penser d'elle à présent. Elle se souvint de Thomas et Tina, les larmes se multiplièrent quand elle se dit qu'ils ne seraient pas touchés s'il lui arrivait malheur. Quand le soleil se leva, ses yeux se fermèrent enfin, gênés par la luminosité, et elle somnola jusqu'aux jacassements des oiseaux qui passaient par là.
Elle se leva, la tête vidée de toutes les pensées qu'elle venait d'avoir. Elle se promena le long de la rivière pour arriver au pont qui permettait de traverser le lac. Elle l'escalada, fixa l'eau immobile en s'imaginant les remous qu'elle allait provoquer. Et elle sauta.

12 commentaires:

  1. Ton texte est génial j'adore, j'aime beaucoup ton blog, d'ailleurs je l'ai mis sur un tag:
    http://lesmotsdelirreel.over-blog.com/2014/06/liebster-award.html

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  2. J'ai bien apprécié cette petite nouvelle :) L'idée est bonne, et tu poses un bon contexte de départ. J'ai aussi bien aimé la morale, amenée avec subtilité. Ça se lit facilement (peut-être un peu trop ?) et ton style est vraiment agréable. Essayes d'aller moins vite dans la progression, surtout pour les pensées de Hannah qui saute sur des conclusions de façon un peu abruptes et extrêmes (utiliser la crème > se suicider). La fin est un peu prévisible, mais surtout beaucoup trop rapide.

    Y a juste une chose que j'ai pas compris, Hannah a été effacé de la mémoire de tout le monde (dans ce cas, qui est la fille qui a disparue du lycée ?) ? Ou ils ont juste oublié que c'était elle ?

    Ça m'a fait pensé à un de ces contes pour enfants (donc tu es parfaitement dans le sujet du concours) avec une morale cachée, donc c'est vraiment bien, continue :D !

    PS : c'est quel conte par contre que tu as choisi de réécrire ? J'ai cru reconnaître des traces de La Petite Sirène, mais c'est quand même assez éloigné, donc j'ai un doute... :/

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    1. Merci beaucoup c'est très gentil de me donner un avis aussi constructif. Pour ce qui est de la vitesse des événements, il me semble (je dis juste il me semble) que nous avions un nombre de caractères à respecter et c'est peut-être pour cela que j'ai un peu accéléré les choses.

      Pour la disparition, bah écoute ça fait longtemps que je l'ai écrit et je t'avoue que je pense avoir fait une incompréhension, un truc pas logique parce que tu as raison c'est illogique x)

      Merci beaaaaucoup :D

      PS : C'est bien La Petite Sirène (le titre est le premier indice) et j'ai essayé de moderniser le conte tout en le laissant très ressemblant car le déroulement des événements est dans le même ordre avec le même genre, d'ailleurs.. :)

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    2. Oui c'est courant d'avoir un nombre de mots/caractère limite imposés dans les concours (et très frustrant), je comprend mieux du coup :)

      J'avais même pas remarqué le lien avec le titre xD

      Ça fait longtemps que t'as rien posté dans cette partie. Du nouveau prévu pour bientôt peut-être ?

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    3. C'est un peu compliqué parfois quand on a plein d'idées d'ailleurs :p

      Bah bravo !

      Je n'écris vraiment plus beaucoup malheureusement.. Mais j'aimerais m'y remettre. Cet été pourquoi pas ?

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  3. J'ai adoré! Je trouve que la morale de l'histoire est bien mise en valeur! Bravo!

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  4. Bonjour Audrey !

    Waouh ! C'est magnifique !
    C'est vrai que les évènements se suivent très rapidement, et je trouve que ça bouscule un peu le texte. Mais, je connais ces limites de caractères et je dois dire que tu t'en ai bien sorti.

    C'est une réécriture très subtile, et je dois que faire le lien avec La Petite Sirène, n'est pas des plus simples ! :)

    Bravo pour ce texte, tu as un style simple et agréable à lire.

    Bonne continuation !

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  5. J'ai adoré "la Petite Hannah", ce texte est super et en plus il se lit très bien. Il faut vraiment que tu en fasse d'autres dans ce genre. Encore bravo !

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  6. J'adore, j'adore vraimment. C'est trop beau et le lire procure une vèritable joie! Bravo, c'est parfaitement beau!

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  7. Salut !
    Jolie histoire, et concept intéressant. Je pense que ton histoire aurait gagné à être davantage développée. Si tu avais un nombre de signes maximum à respecter, je comprends que tu aies dû accélérer les choses (avec sûrement beaucoup de frustration !), mais tu pourrais peut-être le présenter à un autre concours de type conte... Il y en a parfois, et je pense qu'ils te donneraient l'occasion de retravailler l'action mais aussi le ressenti du personnage (ça ajouterait encore de l'émotion) de manière à les approfondir, parce que là, Gallimard devait vouloir quelque chose de vraiment très court. Mais peut-être ne te reconnais-tu plus dans le thème et dans le style, auquel cas je te souhaite beaucoup d'inspiration pour de nouvelles histoires !
    Sinon, je trouve ton style est agréable et facile à lire, continue et meilleure chance à l'avenir pour les concours :)

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  8. ...Je suis un peu déçue...
    Ton histoire se lit bien, mais le style est simple, pas original un peu niais. On voit très clairement, trop clairement, la volonté de faire la morale et les personnages ne sont pas crédibles... On dirait des caricatures. Bon ce n'est qu'une nouvelle et on ne peut pas trop les développer mais quand même. Mathéo est un charmeur, pas vraiment recommandable et ça se voit mais de son côté Hannah n'est pas mieux. Les deux personnages sont plats, pas nuancés : l'un est le populaire inaccessible l'autre une fille studieuse. Comment tomber amoureuse au point de pleurer tous les soirs d'un type qu'elle ne connaît pas et, une fois qu'elle à ce qu'elle veut, finit par se jeter d'un pont ?
    Je pense que tu peux faire BEAUCOUP plus recherché, et original.

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